Si j’avais choisi S plutôt que L, Julie n’aurait jamais été ma meilleure amie. Si je n’avais pas rencontré Julie, je n’aurais jamais connu Mickaël. Si je n’avais pas connu Mickaël, je n’aurais jamais redoublé. J’aurais été à la faculté de Limoges, en LEA anglais-espagnol, je serais partie la troisième année à l’étranger et je serais en 1ère année de master. Mais j’ai redoublé pour rester avec lui. Si je n’avais pas connu Mickaël, je ne serais jamais tombée enceinte à 17 ans. Si je n’étais pas tombée enceinte, je n’aurais jamais eu à faire ce choix crucial : le garder ou avorter ? Je voulais le garder. Mickaël aussi. Si ma mère n’était pas dépressive, si elle ne m’avait pas menacée de m’avorter elle-même, je l’aurais gardé.
Si je l’avais gardé ? … Il/elle aurait trois ans. Si je l’avais gardé, je serais surement en train de travailler pour un salaire de misère afin de subvenir à ses besoins. SI je l’avais gardé, je ne serais pas aussi traumatisée par les choix. Je me dis qu’il existe un monde parallèle au j’ai fait fi de la maladie de ma mère et que je suis maman à l’heure qu’il est. Peut-être pas forcément heureuse, mais maman. Peut-être plus forcément avec le père mais maman. Si j’avais été maman, il y aurait peut-être un sens à ma vie. Mais je ne suis pas maman. J’ai avorté et gardé des séquelles de cet été 2009. Cette histoire a tué mon couple et nos projets se sont envolés. Si nous étions restés ensemble, nous aurions emménagé à Toulouse, lui en prépa, moi en LLCE anglais. Mais il a rompu et j’ai eu peur d’être dans la même ville que lui. Si je n’avais pas eu peur, j’aurais habité à Toulouse dans une chambre de bonne sœur. Mais j’étais terrorisée et j’ai décidé de partir là où j’aurais dû aller un an plus tôt. Je suis partie pour Limoges. Et comme j’avais encore très peur, j’ai fait une colocation avec Charles et Odin.
Si je n’avais pas fait de colocation, j’aurais mis du temps à me remettre de cette rupture. Si je n’avais pas été à Limoges, je ne me serais jamais rapprochée d’Elina, Sandy et Harmony. Je n’aurais jamais retrouvé cette flamme en moi et la volonté de m’en sortir. Je n’aurais jamais compris ce que le mot «amie » signifie. Si je n’avais pas rencontré Sandy, je n’aurais jamais osé partir. Partir parier mon avenir. Je n’aurais jamais abandonné ma licence et je serais en train de faire un choix pour mon master.
Mais Sandy m’a ouvert les yeux et montré qu’il y a des rêves plus beaux qui ne méritent pas seulement de rester dans la norme. J’ai choisi de repartir de zéro. Et j’ai eu un nouveau choix à faire : aller à Nantes, Clermont Ferrand ou La Rochelle. Encore une fois, si je n’avais pas eu peur de ma mère, j’aurais été à la Rochelle. Mais j’ai eu peur et suis allée à Clermont. Si je n’avais pas été à Clermont, je n’aurais jamais rencontré Sarah. Si je n’avais pas rencontré Sarah, je n’aurais pas envie d’aller encore plus loin. Vouloir encore plus. Osé encore plus.
Ce n’est pas un déversement de regrets. Juste un constat à quel point les gens peuvent vous faire basculer. La vie qu’on a n’est jamais prévue. Le pouvoir des choix est surprenant.
Dans un corps semi-adulte, atteignant bientôt mes 19 ans avec mes talons, je continue à rêver du prince charmant. Je trouve que le monde est bien trop compliqué pour moi.
« Tu vis dans le monde des télétubbies » m’a dit ma meilleure amie.
Est-ce si ridicule de croire en la fidélité, en l’amour ? N’est-il pas normal de trouver bizarre qu’un garçon te drague alors qu’il est en couple ?
« Désapprends tout ce que tu as appris, la vie est compliquée, c’est cela qui la rend intéressante »
Je suis surement née en retard, enfant d’une époque oubliée où certaines valeurs étaient sacrées. J’veux connaître l’amour, le vrai. Celui qui rend les autres si laids. Le bonheur de trouver ses bras et la douce nostalgie de le voir s’en aller. Et maintenant, ils n’ont que ce mot à la bouche : le sexe. Face à tous ces gens qui prônent les plans cul comme libération, je me sens totalement perdue. Que sont devenues mes histoires d’enfants ? Pure illusion ou radical changement de mœurs ? Je me sens à contre-courant depuis toujours. J’suis probablement beaucoup trop naïve avec mes idées toutes faites. Je ne suis peut-être pas suffisamment assez ouverte d’esprit. Moi qui fait l’amour justement par amour.
« Quoi ?! t’as couché qu’avec un seul mec ? Tu t’ennuyais pas ? Tu ne t’es jamais demandé comment c’était ailleurs ? »
Un seul mot. NON.